dimanche 26 juin 2016

Hors de l'amour... rien!

Guillermo Alejo Fischnaller est un poète argentin qui vit à Rojas. Il anime un théâtre qui n'appartient à personne, un vrai théâtre sans propriétaire et libre, gouverné par une assemblée de femmes et d'hommes qui se sont choisis et se passent le flambeau d'une génération à l'autre depuis près de 70 ans. C'est le théâtre Florencio Sanchez. C'est un théâtre libre, comme un pont inébranlable de voix qui imaginent un monde très différent.

 

Mot d'ordre simple

Trouver le chemin du retour
Reconstruire le passage étroit vers soi-même

Avoir l'audace de se retrouver
Être à fleur de peau, à fleur de terre et à fleur de vie

Porter des bannières chaque jour plus lourdes 
Et des absences jamais disparues

Commettre à nouveau des erreurs de jeunesse
Imaginer un monde très différent

Être un arbre pour le papillon
Et une brise pour la montagne

Toujours occupé par la tâche  
De perfectionner erreurs et succès

Être architecte de ponts 
Et un pont inébranlable de voix

Bâtir avec le pinceau du peintre
L'éternel enchantement de répondre : "présent"

Le mot d'ordre aujourd'hui est très simple 
"Hors de l'amour... rien!"

dimanche 19 juin 2016

Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Louis Aragon (1897-1982) est mort la même année que Glenn Gould. Pour Aragon, ce fut le 24 décembre et pour Glenn Gould, le 4 octobre. Triste année. Je ne sais pas trop pourquoi les deux me semblent aller ensemble. L'un avait le génie des mots et l'autre celui des notes. L'un était vraiment "m'as-tu vu" et l'autre résolument "m'as-tu pas vu". Mais pour l'un comme pour l'autre, le verre n'était jamais si bleu qu'à sa brisure.
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Les yeux d'Elsa


Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

Poème tiré du recueil "Les yeux d'Elsa", éd. Seghers

dimanche 12 juin 2016

Si yo fuera Maradona

Je ne sais pas pourquoi..., une envie d'écouter cette chanson, et de laisser le texte en espagnol glisser de la gorge de Manu Chau vers l'air pur. Je ne sais pas pourquoi... peut-être..., non, je ne sais pas. Merci à Fabrice pour m'avoir dit pourquoi, enfin peut-être... Pourquoi pas ?


Si yo fuera Maradona
viviría como él
si yo fuera Maradona
frente a cualquier portería

si yo fuera Maradona
nunca m'equivocaría
si yo fuera Maradona
perdido en cualquier lugar.

La vida es una tómbola...
de noche y de día...
la vida es una tómbola
y arriba y arriba....

Si yo fuera Maradona
viviría con él
...mil cohetes... mil amigos
y lo que venga a mil por cien...

si yo fuera Maradona
saldría en mondovision
para gritarle a la FIFA
¡Que ellos son el gran ladrón!


La vida es una tómbola...
de noche y de día...
la vida es una tómbola
y arriba y arriba....

Si yo fuera Maradona
viviría como él
porque el mundo es una bola
que se vive a flor de piel

Si yo fuera Maradona
frente a cualquier porquería
nunca me equivocaría...

Si yo fuera Maradona
y un partido que ganar
si yo fuera Maradona
perdido en cualquier lugar...

La vida es una tómbola
de noche y de día...
la vida es una tómbola
y arriba y arriba....

dimanche 5 juin 2016

De la fidélité envers sa vraie nature

La sagesse de Confucius (551 av. JC - 479 av. JC) est souvent présentée comme issue d'une doctrine du juste milieu, frappée de bon sens. Mais si ce n'était que cela, sa philosophie aurait-elle traversé 25 siècles ? De qui, chez nous, entendra t-on encore parler dans 2500 ans ? Précisément, peut-être de quelqu'un, encore inconnu, qui s'applique à étudier et à suivre ce que Confucius a enseigné.  

Voici un des enseignements de Confucius (qui, au passage, nous permet de réviser la conjugaison des verbes à l'impératif) :

Si ceux qui occupent une position inférieure ne peuvent avoir confiance en leurs dirigeants, le gouvernement du peuple est une impossibilité.
Une seule chose rend possible la confiance en l'autorité d'un magistrat : un homme n'a t-il pas la confiance de ses amis, il ne se fiera pas lui-même à ses supérieurs.
Une seule chose rend possible la confiance des amis : si un homme n'a pas d'affection pour les siens, ses amis ne peuvent avoir confiance en lui.
Une seule chose rend possible l'amour des siens  : celui qui au fond de son cœur n'est pas fidèle à sa vraie nature, n'aura pas d'affection pour les siens.
Une seule chose rend possible la fidélité envers sa vraie nature : un homme ne peut être fidèle à sa vraie nature qu'à condition de connaître ce qui est bien.

Être fidèle à sa vraie nature, c'est la loi divine ; s'efforcer de l'être, c'est la loi humaine.
Celui qui est naturellement fidèle à sa vraie nature trouve sans effort ce qui est juste, comprend sans réfléchir longuement ce qu'il désire savoir. Sa vie se conforme sans peine et spontanément à la loi morale. Cet homme-là est un saint ou a une nature divine. Un autre s'efforce de parvenir à cette connaissance et, lorsqu'il l'a trouvée, il s'y attache fermement.

Pour apprendre à être fidèle à sa vraie nature, il faut posséder une connaissance étendue de ce qui a été dit et fait dans le monde ; puis, après l'avoir passée au crible de l'esprit critique, de la méditation et de la raison, l'appliquer sérieusement.

Ce que l'on apprend importe peu ; mais n'abandonne jamais une étude commencée avant de la dominer.
Ce que l'on recherche importe peu ; mais lorsque tu te livres à une recherche, ne l'abandonne jamais avant d'en avoir profondément pénétré l'objet.
Qu'importe le sujet de ta méditation ; mais lorsque tu as commencé, poursuis ta méditation jusqu'à ce que tu aies obtenu ce que tu désires.
Qu'importe ce que tu cherches à éclaircir ; mais lorsque tu as examiné une chose, ne l'abandonne plus que tu ne l'aies élucidée.
Qu'importe ce que tu essayes d'accomplir ; mais une fois que tu t'es proposé une tâche, n'aie pas de repos que tu ne l'aies menée à bien.
Là où un autre aura réussi d'un seul coup, il te faudra peut-être une centaine d'efforts et là où un homme aura réussi à la dixième tentative, tu ne réussiras peut-être qu'à la millième.

En procédant de la sorte, un homme lent d'esprit deviendra intelligent, un homme faible deviendra fort.

Celui qui part de son vrai moi pour parvenir à la connaissance a suivi la voie de la nature. Celui qui part de la connaissance pour aboutir à son vrai moi a suivi la voie de la culture. Celui qui est fidèle à sa vraie nature possède en même temps la connaissance et celui qui a la connaissance trouve en même temps sa vraie nature.

Extrait de "La sagesse de Confucius" de LIN Yutang (Picquier poche, 2015, p. 149), trad. de l'anglais par Th. Bridel-Wasem