dimanche 26 octobre 2014

Avoir du sang aux ongles - Tener bríos a lo cuerdo

Balthasar Gracian (1601 - 1658) est un écrivain et essayiste jésuite du Siècle d'or espagnol. Ses maximes d'homme de cour présentent une sorte d'homme universel caractérisé par sa prudence et son cynisme.  

     Quand le lion est mort, les lièvres ne craignent pas de l'insulter. Les braves gens n'entendent point raillerie. Quand on ne résiste pas la première fois, on résiste encore moins la seconde, et c'est toujours de pis en pis. Car la même difficulté, qui se pouvait surmonter au commencement, est plus grande à la fin. La vigueur de l'esprit surpasse celle du corps, il la faut toujours tenir prête, ainsi que l'épée, pour s'en servir dans l'occasion ; c'est par où l'on se fait respecter. Plusieurs ont eu d'éminentes qualités qui, faute d'avoir du cœur, ont passé pour morts, ayant toujours vécu ensevelis dans l'obscurité de leur abandonnement. Ce n'est pas sans raison que la Nature a joint dans les abeilles le miel et l'aiguillon, et pareillement les nerfs et les os dans le corps humain. Il faut donc que l'esprit ait aussi quelque mélange de douceur et de fermeté.

Balthasar Gracian, L'Homme de cour, précédé d'un essai de Marc Fumaroli, édition de Sylvia Roubaud, Folio classique, 2010, Maxime LIV.


     Al León muerto, hasta las liebres le repelan. No ai burlas con el valor : si cede al primero, también avrá de ceder al segundo, y deste modo hasta el último.  La misma dificultad avrá de vencer tarde, que valiera más desde luego. El brío del ánimo excede al del cuerpo: es como la espada, ha de ir siempre envainado en su cordura, para la ocasión. Es el resguardo de la persona: más daña el descaecimiento del ánimo que el del cuerpo. Tuvieron muchos prendas eminentes, que por faltarles este aliento del coraçón, parecieron muertos y acabaron sepultados en su dexamiento, que no sin providencia juntó la naturaleza acudida la dulçura de la miel con lo picante del aguijón en la aveja. Nervios y güessos ai en el cuerpo: no sea el ánimo todo blandura.

Balthasar Gracian, Oraculo manual y arte de la prudencia  : http://fgae.net/portal/images/stories/pdf/GBOmp.pdf

dimanche 19 octobre 2014

Si c'est oui dis que c'est oui

 Il existe différentes formes de pantouns. Mais les "pantouns malais" sont des sortes de proverbes avec une forme de quatrain. En principe, les deux premiers vers décrivent concrètement quelque chose qui amène en l'évoquant le proverbe lui-même qui se trouve dans les deux derniers vers. Mais le pantoun est aussi une occasion de jeux de mots, de doubles sens, de sous-entendus, d'allusions. 


Si c'est du riz dis que c'est du riz
Que je ne vanne pas en vain
Si c'est oui dis que c'est oui
Que je n'attende pas sans fin

Kalau padi kata padi
Jangan saya tertampi-tampi
Kalau jadi kata jadi
Jangan saya ternanti-nanti

Ce soir on grille du maïs
Demain soir de la citronelle
Ce soir nos chemins nous unissent
Demain soir ils divergeront

Malam ini merendang jagung
Malam esok merendang serai
Malam ini kita berkampung
Malam esok kita bercerai



Pour accompagner le riz trempé                             Apa lauk nasi rendam
Courges luffas du petit matin                                  Sayur petola dinihari
Pour accompagner le coeur chagrin                        Apa ubat hati yang dendam
Cordes du violon qui font chanter                           Gesek biola tarikkan nyanyi

Quel est ce rouge dans le verger                              Apa merah di dalam kebun
La fleur d'ananas qu'arrange une princesse              Bunga nanas susun puteri
Ne mettez pas d'espoir en la rosée                           Jangan harap kepada embun
Qui tombe à terre dès que le soleil perce                 Keluar panas gugurlah ke bumi

Kris à sept courbes kris au fil tranchant                    Keris sempana keris tampang
Qu'affûte un jeune forain malais                               Canai anak dagang Melayu
Ne vous attardez pas en ces pays lointains               Jangan lama di negeri
Où les dangers sont comme arbres en forêt              Bencana banyak mendaun kayu

Une gemme est tombée dans l'herbe                          Permata jatuh dalam rumput
Tombée dans l'herbe elle resplendit                           Jatuh di rumput gilang-gemilang
L'amour est comme la rosée sur l'herbe                     Kasih umpama embun di rumput
Qui s'évapore quand le soleil luit                               Datang matahari nescaya hilang


Pantouns malais, Orphée, La Différence, 1993, trad. G. Voisset

dimanche 12 octobre 2014

Le passé n'est pas le passé, c'est le temps que nous mettons à grandir...

Rita Mestokosho est née et vit au Québec sur le territoire innu d’Ekuanitshit. 

Croyez moi. Oubliez ce que vous faites en ce moment et courez acheter ce recueil...

Née de la pluie et de la terre, préface J.M.G Le Clezio, photographies de P. Lefebvre, éd. Bruno Doucey, 2014
Passage des arts_B_300_pourlesite 


Femme du matin rouge

Je prendrai la mer sur un bateau rempli de rêves colorés
Je nagerai dans la rivière rouge des ancêtres
Je suis née femme d'un père chasseur
Et d'une mère qui souffle sur les nuages.

Mon voyage commence avec toi
Dans ma valise il y a mon coeur
Rempli d'espoir et juste l'essentiel.

Mon coeur révolutionne l'amour
Des quatre couleurs!
La paix des quatre vents.

J'ai recouvert le ciel d'un habit rouge
Flamboyant pour que tu voies
Tout l'amour qui m'habite.

Nous sommes nées
Coeur de femme rouge
Nos visages cuivrés par le soleil des ancêtres
Nos mains liées par le savoir
Nos regards perdus dans la montagne sacrée
Le passé n'est pas le passé
C'est le temps que nous mettons à grandir
Les yeux fermés
C'est l'amour que l'on donne à tous les jours
Ton enfant est le mien
Je ne me pose pas de questions quand je te vois
Tu es la mère qui navigues sur une rivière de grande tendresse
Tu es la soeur de mes frères
Quand tu touches encore le sapinage
C'est comme remuer le temps
Tu parfumes toute la maison du souvenir
La grande maison du nomade
Il est au nord il t'attend
J'étais là pour y respirer
Je suis là pour y respirer
Je serai là pour y respirer.

Il y a des matins
Où le silence captive toute la place de notre vie
Et là on a besoin d'entendre
Un son une musique le vent
On a besoin d'écouter l'autre
Soi-même...
L'hiver est un moment de réflexion
Où notre corps habite nos pensées.
Moi je garde le silence pour mieux entendre la vie.

dimanche 5 octobre 2014

Cette lumière qu'on atteint parfois...

Dernier mois d'une très belle exposition sur les peintres de la fondation Maeght, au Domaine de Kergéhennec (Morbihan), pour celles et ceux qui cherchent le chemin de la lumière en peignant, sculptant, écrivant...

"Cette lumière qu'on atteint parfois, on ne la garde pas dans sa poche. On la perd aussitôt. Il faut chaque fois se lancer à sa recherche".

http://www.kerguehennec.fr/
Bram Van Velde, cité par Charles Juliet, Lueur après labour, Journal 3 (1968-1981), 1999

... Et puis ces quelques mots de Saint Jean de la Croix qui ont inspiré Pierre Soulages, également présent dans cette exposition...

 "Pour toute la beauté
jamais je ne me perdrai
sinon pour un je ne sais quoi
qui s’atteint d’aventure..."

Jean de la Croix, Traduction de Benoît Lavaud, o. p., Les Cahiers du Rhône, avril 1942
 ... Et aussi

"Dans ce chemin, perdre le chemin, c'est entrer en chemin"
 Jean de la Croix, Glosas « A lo divino »,Poésies, traduction de Benoît Lavaud, Paris, GF-Flammarion,1993, p.130-131