dimanche 6 décembre 2015

Nous-mêmes derrière nous-mêmes, cachés


Poésies complètes



Emily Dickinson (1830 - 1886) occupe une des places de choix dans toute l'histoire de la poésie américaine. Rien pourtant ne l'y prédisposait. Elle a passé sa vie sans guère s'éloigner de sa maison familiale. Elle n'a pas souhaité publier ses poèmes, en dehors d'une poignée, préférant les envoyer à ses ami(e)s, et c'est à sa mort que sa soeur a retrouvé ses carnets de poésie avec un ensemble de près de 1800 poèmes.
Voici un poème dans lesquels je retrouve bien et son style et ce qu'elle a laissé entrevoir de son monde et de sa personnalité.







Point n’est besoin d’être une Chambre – pour être Hanté –
Point n’est besoin d’être une Maison –
Le Cerveau a des Couloirs – qui surpassent
L’Espace matériel –

Bien moins dangereuse, la rencontre à minuit
D’un Fantôme extérieur
Que la confrontation avec celui qu’on a à l’intérieur –
Invité plus glaçant-

Bien moins dangereux, de traverser une Abbaye au galop,
Poursuivi par les Pierres –
Que désarmé, de se rencontrer soi-même –
Dans un Lieu solitaire –

Nous-mêmes derrière nous- mêmes, cachés –
Devrions tressaillir plus fort –
Un Assassin dissimulé dans notre Appartement
Est infiniment moins horrifiant –

Le Corps – emprunte un Revolver –
Et verrouille la Porte –
Sans prêter attention à un spectre supérieur –
Ou Pire encore –

Trad. F. Delphy

One need not be a Chamber—to be Haunted—
One need not be a House—
The Brain has Corridors—surpassing
Material Place—
Far safer, of a Midnight Meeting
External Ghost
Than its interior Confronting—
That Cooler Host.
Far safer, through an Abbey gallop,
The Stones a'chase—
Than Unarmed, one's a'self encounter—
In lonesome Place—
Ourself behind ourself, concealed—
Should startle most—
Assassin hid in our Apartment
Be Horror's least.
The Body—borrows a Revolver—
He bolts the Door—
O'erlooking a superior spectre—
Or More—

Complete poems, 1924
Part Four : Time and Eternity - LXIX

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