dimanche 4 décembre 2016

La connaissez-vous ?

Rubén Darío (1867-1916), de son vrai nom Félix Rubén García Sarmiento, est un poète né au Nicaragua et qui, après ses études, a quitté l'Amérique centrale pour celle du sud. C'est un poète qui a marqué par la pureté de sa langue, par ses exigences formelles. On peut voir sa biographie (en espagnol) ICI. Le poème ci-dessous en témoigne tant dans sa version originale en espagnol que par la traduction en français qu'en a faite Jean-Luc Lacarrière. C'est un des premiers poèmes de Rubén Darío, écrit avant l'âge de 19 ans.

Elle

La connaissez-vous ? C'est une fleur enchanteresse
que baigne la lumière naissante du jour ;
elle a volé son teint à l'aurore
et mon âme la vêt de poésie.

Elle vit dans mon esprit solitaire,
je la vois dans les étoiles du soir.
Elle est l'ange qui porte ma prière
quand le soleil brille à peine au coucher.

Son haleine parfumée je respire
dans le calice blanc des fleurs,
je la vois poindre à l'est dans la lueur du jour
et où que du regard je la suive j'en délire.

La connaissez-vous ? C'est la vie de ma vie,
la fibre la plus sonore de mon cœur ;
elle est le parfum de mon âge fleuri ;
ma lumière, mon avenir, ma foi, mon aurore.

Que ne ferais-je pas pour elle! Je l'adore,
comme le lys aime l'onde cristalline ;
elle est mon espérance, elle est mon pleur,
ma jeunesse et mon illusion divine.

Je garde son amour comme le rêve saint
de ma vie solitaire endeuillée,
et lui consacre mon chant mystérieux
telle une complainte d'illusion perdue.


Ella

¿La conocéis? Es flor encantadora
que baña el rayo del naciente día
ella robó sus tintes a la aurora
y mi alma la viste de poesía.


Ella vive en mi mente solitaria,
la veo en las estrellas de la tarde.
Es el ángel que lleva mi plegaria
cuando el sol en ocaso apenas arde.


En los cálices blancos de las flores
su aliento perfumado yo respiro
la veo del oriente en los albores,
y doquiera mirándola deliro.


¿La conocéis? Es vida de mi vida,
del corazón la fibra más sonora;
ella, el perfime de mi edad florida;
mi luz, mi porvenir, mi fe, mi aurora.


¡Que no hiciera por ella! Yo la adoro,
como el lirio a la ninfa cristalina;
es ella mi esperanza, ella mi lloro,
mi juventud y mi ilusión divina.


Guardo su amor como el ensueño santo
de mi enlutada solitaria vida,
y le consagro misterioso canto
cual triste endecha de ilusión perdida.


Rubén Darío, Parcours poétique (1880-1916), traduit de l'espagnol (Nicaragua) par Jean-Luc Lacarrière, Orphée, éd. La Différence, 2012

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