dimanche 1 novembre 2015

Chanson de la vie profonde

Pour clôturer la phase colombienne et pour marquer le retour en France après deux semaines de mission, je vous présente :
 

Porfirio Barba Jacob (1883 - 1942), de son vrai nom Miguel Ángel Osorio Benítez,  est un poète colombien. Il a collaboré à de nombreuses revues et journaux littéraires. Il a passé sa vie à voyager, allant d'un pays à l'autre, parfois volontairement, parfois parce qu'il était expulsé. Il a fini sa vie au Mexique. Chanson de la vie profonde est sans doute son poème le plus connu, mais bien difficile à traduire!

CHANSON DE LA VIE PROFONDE

Il y a des jours où nous sommes si mobiles, si mobiles,
comme des brindilles légères au vent et au hasard.

La gloire nous sourit peut-être sous un autre ciel.
La vie est claire, ondoyante, et ouverte comme une mer.

Et il y a des jours où nous sommes si fertiles, si fertiles,
comme la campagne en avril, qui frémit de passion :
sous l'influence bienveillante de pluies spirituelles,
l'âme fait germer des forêts d'illusion.

Il y a des jours où nous sommes si sordides, si sordides,
comme les entrailles obscures d'une pierre dure et sombre :
la nuit nous surprend, avec ses lumières abondantes, 

comme des monnaies rutilantes pour évaluer le Bien et le Mal.

Et il y a des jours où nous sommes si placides, si placides
-enfance dans le crépuscule! lagunes de saphir!-
qu'un vers, une trille, une montagne, un oiseau qui vole ça et là,
et même nos propres peines nous font sourire.

Il y a des jours où nous sommes si lubriques, si lubriques,
que la femme nous offre en vain sa chair :
après avoir enserré sa taille et caressé un sein,
la rondeur d'un fruit suffit à nous faire trembler d'émotion.

Il y a des jours où nous sommes si lugubres, si lugubres,
comme dans les nuits lugubres les larmes des pins.

L'âme gémit alors sous la douleur du monde,
et Dieu lui-même ne peut nous consoler.


Il y a encore plus : Oh Terre! un jour ... un jour ... un jour...
où nous levons l'ancre pour ne jamais revenir,
un jour où soufflent des vents inéluctables,
un jour où personne ne peut nous retenir!


trad. FD

CANCIÓN DE LA VIDA PROFUNDA

Hay días en que somos tan móviles, tan móviles,
como las leves briznas al viento y al azar...
Tal vez bajo otro cielo la Gloria nos sonría...
La vida es clara, undívaga, y abierta como un mar...


Y hay días en que somos tan fértiles, tan fértiles,
como en Abril el campo, que tiembla de pasión;
bajo el influjo próvido de espirituales lluvias,
el alma está brotando florestas de ilusión.


Y hay días en que somos tan sórdidos, tan sórdidos,
como la entraña obscura de obscuro pedernal;
la noche nos sorprende, con sus profusas lámparas,
en rútilas monedas tasando el Bien y el Mal.


Y hay días en que somos tan plácidos, tan plácidos...
-¡niñez en el crepúsculo! ¡lagunas de zafir!-
que un verso, un trino, un monte, un pájaro que cruza,
¡y hasta las propias penas! nos hacen sonreír...


Y hay días en que somos tan lúbricos, tan lúbricos,
que nos depara en vano su carne la mujer;

tras de ceñir un talle y acariciar un seno,
la redondez de un fruto nos vuelve a estremecer.

Y hay días en que somos tan lúgubres, tan lúgubres,
como en las noches lúgubres el llanto del pinar:
el alma gime entonces bajo el dolor del mundo,
y acaso ni Dios mismo nos pueda consolar.

Mas hay también ¡oh Tierra! un día... un día... un día
en que levamos anclas para jamás volver;
un día en que discurren vientos ineluctables...
¡Un día en que ya nadie nos puede retener!

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