jeudi 26 août 2021

Petite pensée pour Haïti dans la misère

Avec le poète haïtien René Depestre, né en 1926, à la vie si riche et mouvementée d'un révolutionnaire révolté :



 CONTRE VENTS ET MAREES

Je reste un virtuose de mes chagrins quand s'abat sur mes souvenirs le temps de la mère pluie de mon enfance qui continue à prier pour moi : elle unit mes vieux os à
l'énigme à tous les hommes aux femmes et à leurs enfants émerveillés à la fumée qui protège au soleil mon ombre dans tous les lieux-assassins sans foi ni
loi où se sont égarés mes rêves de toute la vie.

Le dernier roc où s'arc-boutent mes années

sait que la vie est bien trop courte

et trop long l'espoir en mon esprit

et trop vive dans mes racines

la mémoire des femmes-jardins

qui ont porté jadis mes flammes

sur tous les fonts baptismaux.

LE CHAMP VIERGE 

Ma vie  est  encore un champ vierge. 

Où est  la  charrue  ?  Où sont les  graines 

Et les  folles promesses de  l'été ?

Où sont les  épines  qui porteront

Les  fleurs noires  de  ma  vérité ?

Des  forces  monstrueuses  crient  en  moi  : 

Où  que  je  tourne  la  tête  dans  mon  ciel 

Je  vois  poindre un désespoir plus tenance

Que la  fièvre qui brûle un grand savant

Jour et  nuit penché  sur  des objets 

Que  je  ne  sais  pas  nommer.  Qui  es-tu ?

Qui  t'a  envoyé  dans  mes  os ?

Quel jour pluvieux de mon enfance

Est  le  père  fécond de  tes  racines ?

Quelle  femme a  nourri  de  son sang 

T o n implacable  et  secrète  beauté ?

Oh  mon  hôte  pour la  vie,  tu  me  dis :

« Brise  en toi  les  vitres  qui mentent

Encore  aux marées  et  au  grand soleil

Et  tu  seras  l'arbre souverain  que  tu  es I