Pablo Neruda, El canto general (extrait)
Je prends
congé, je rentre
chez moi, dans mes rêves,
je retourne en Patagonie
où le vent frappe les étables
où l'océan disperse la glace.
Je ne suis qu'un poète
et je vous aime tous,
je vais errant par le monde que j'aime :
dans ma patrie
on emprisonne les mineurs
et le soldat commande au juge.
Mais j'aime, moi, jusqu'aux racines
de mon petit pays si froid.
Si je devais mourir cent fois,
c'est là que je voudrais mourir
et si je devais naître cent fois
c'est là aussi que je veux naître
près de l'araucaria sauvage,
des bourrasques du vent du sud
et des cloches depuis peu acquises.
Qu'aucun
de vous ne pense à moi.
Pensons plutôt à toute la terre,
frappons amoureusement sur la table.
Je ne veux pas revoir le sang
imbiber le pain, les haricots noirs,
la musique: je veux que viennent
avec moi le mineur, la fillette,
l'avocat, le marin
et le fabricant de poupées,
Que nous allions au cinéma,
que nous sortions
boire le plus rouge des vins.
Je ne suis
rien venu résoudre.
Je suis venu
ici chanter
je suis venu
afin que tu chantes avec moi.
Trad. collective et anonyme
http://www.poesie.net/neruda2.htm
"L'état d'esprit du soleil levant est allégresse malgré le jour cruel et le souvenir de la nuit. La teinte du caillot devient la rougeur de l'aurore" René Char, Les Matinaux"
dimanche 17 mai 2020
mercredi 15 avril 2020
On ne se lasse pas de Federico Garcia Lorca : Es verdad!
La mélancolie, Edvard Munch |
Es verdad
Ah, qu'il me coûte de peine
à t'aimer comme je t'aime!
Amoureux, l'air me fait mal,
mon coeur
et mon chapeau même.
Qui donc voudra m'acheter
ce galon tressé de soie
cette tristesse de fil
blanc à faire des mouchoirs ?
Ah, qu'il me coûte de peine
à t'aimer comme je t'aime.
¡Ay qué trabajo me cuesta
quererte como te quiero!
Por tu amor me duele el aire,
el corazón
y el sombrero.
¿Quién me compraría a mí
este cintillo que tengo
y esta tristeza de hilo
blanco, para hacer pañuelos?
¡Ay qué trabajo me cuesta
quererte como te quiero!
vendredi 27 mars 2020
J'ai rêvé d'un pays où le malheur était devenu si fort, si grand, si noir...
Nous sommes tous sous le choc, immensément tristes pour toutes les victimes et leurs familles, et plus que jamais attentifs à notre devise de "fraternité".
Aragon nous a légué cette transfiguration du malheur.
J’ai rêvé d’un pays, c’était dans une autre vie.
Aragon nous a légué cette transfiguration du malheur.
J’ai rêvé d’un pays, c’était dans une autre vie.
J’ai rêvé d’un pays où il
avait fait grand vent, c’était dans un autre monde.
J’ai rêvé d’un pays où le
malheur était devenu si fort, si grand, si noir et c’était comme un arbre
immense entre le soleil et les gens,
et c’était à la fin d’une
guerre et les champs étaient obscurs de vautours et l’air empuanti d’hommes et
de chevaux morts.
J’ai rêvé d’un pays où les
enfants et les femmes aidèrent les bûcherons à abattre le malheur.
J’y ai rêvé une fois, j’y ai
rêvé une seconde et toutes les nuits de ma jeunesse et toutes les nuits de mon
corps mûr.
Je n’ai plus eu jamais autre
songe, autre musique, autre tête tournée.
J’entrais dans ce pays où l’œil
se ferme et les gens étaient las du travail d’un long jour…….
J’y ai rêvé une fois, j’y ai
rêvé une seconde et je n’ai plus compté combien de fois, combien de fois
le désordre des choses
renversées, tout le pays couvert de branches brisées et tout le peuple devait à
la fois faire bûcher du bois mort et se défendre contre les bêtes sorties de
leur bauge, la peste, l’incendie, les pillards accourus sur des bateaux
étrangers, la famine ...
J’ai rêvé d’un pays qui avait mis au monde un enfant infirme appelé l’avenir. J’ai rêvé d’un pays où toute chose de souffrance avait droit à la cicatrice,
J’ai rêvé d’un pays qui avait mis au monde un enfant infirme appelé l’avenir. J’ai rêvé d’un pays où toute chose de souffrance avait droit à la cicatrice,
un pays qui riait comme le
soleil à travers la pluie et se refaisait, avec des bouts de bois, le bonheur
d’une chaise, avec des mots merveilleux, la dignité de vivre, un pays de fond
en comble.
Et comme il était riche
d’être pauvre
et comme ils trouvaient
pauvres les gens d’ailleurs couverts d’argent et d’or. C’était le temps où je
parcourais cette apocalypse à l’envers et tout manquait à l’existence.
Ah, qui dira le prix d’un
clou.
Mais c’étaient les chantiers
de ce qui va venir, et qu’au rabot les copeaux étaient blancs et douce au pied
la boue et plus forte que le vent la chanson d’homme à la lèvre gercée !
J’ai rêvé d’un pays tout le long de ma vie, un pays qui ressemble à la douceur d’aimer, à l’amère douceur d’aimer…
Louis Aragon, La mise à mort
J’ai rêvé d’un pays tout le long de ma vie, un pays qui ressemble à la douceur d’aimer, à l’amère douceur d’aimer…
Louis Aragon, La mise à mort
dimanche 22 mars 2020
Déconfinement...
L'Estaca ("Le pieu") est un chant traditionnel catalan composé par Lluis Llach en 1968 durant la dictature de Franco. C'est un appel à l'unité pour rejeter l'oppression et retrouver la liberté.
L'ESTACA
L'avi Siset em parlava
De bon mati al portal
Mentre el sol esperàvem
I els carros vèiem passar.
Siset, que no veus l'estaca
On estem tots lligats ?
Si no podem desfer-nos-en
Mai no podem caminar !Si estirem tots, ella caurà
I molt de temps no pot durar,
Segur que tomba, tomba, tomba
Ben corcada deu ser ja.
Si tu l'estires fort per aqui
I jo l'estiro fort per allà,
Segur que tomba, tomba, tomba
I ens podrem aliberar.Però, Siset, fa molt temps ja :
Les mans se'm van escorxant,
I quan la força se me'n va
Ella és més ampla i més gran.
Ben cert sé que està podrida
Però és que, Siset, pesa tant
Que a cops la força m'oblida.
Torna'm a dir el teu cant :Si estirem tots, ella caurà
I molt de temps no pot durar,
Segur que tomba, tomba, tomba
Ben corcada deu ser ja.
Si tu l'estires fort per aqui
I jo l'estiro fort per allà,
Segur que tomba, tomba, tomba
I ens podrem aliberar.L'avi Siset ja no diu res,
Mal vent que l'emporta
Ell qui sap cap a quin indret
I jo sota el portal
I mentre passen els nous vailets
Estiro el coll per cantar
El darrer cant d'en Siset,
El darrer eue em va ensenyar.Si estirem tots, ella caurà
I molt de temps no pot durar,
Segur que tomba, tomba, tomba
Ben corcada deu ser ja.
Si tu l'estires fort per aqui
I jo l'estiro fort per allà,
Segur que tomba, tomba, tomba
I ens podrem aliberar.
LE PIEU
Grand-père Siset en parlait ainsi
De bon matin sous le porche
Tandis qu’attendant le soleil
On regardait passer les chariots.
Siset, ne vois tu pas le pieu
Où nous sommes tous ligotés ?
Si nous ne pouvons nous en défaire
Jamais nous ne pourrons avancer !
Si nous tirons tous, il tombera
Cela ne peut durer longtemps
C’est sûr qu’il tombera, tombera,
tombera
Bien vermoulu, il doit être déjà.
Si tu le tires fort par ici
Et que je le tire fort par là
C’est sûr il tombera, tombera,
tombera
Et nous pourrons nous libérer
Mais Siset ça fait longtemps déjà :
Mes mains à vifs sont écorchées,
Et alors que mes forces me quittent
Il est plus large et plus haut.
Bien sûr, je sais qu’il est pourri
Mais aussi Siset, il est si lourd
Que parfois les forces me manquent. Rechante moi ta chanson :
Si nous tirons tous, il tombera
Cela ne peut durer longtemps
C’est sûr qu’il tombera, tombera,
tombera
Bien vermoulu, il doit être déjà.
Si tu le tires fort par ici
Et que je le tire fort par là,
C’est sûr il tombera, tombera,
tombera
Et nous pourrons nous libérer.
Grand-père Siset ne dis plus rien,
Un mauvais vent l’a emporté
Lui seul sait vers quel lieu
Et moi je reste sous le porche.
Et quand passent d’autres valets
Je lève la tête pour chanter
Le dernier chant de Siset,
Le dernier qu’il m’a appris.
Si nous tirons tous, il tombera
Cela ne peut durer longtemps,
C’est sûr qu’il tombera, tombera,
tombera
Bien vermoulu, il doit être déjà.
Si tu le tires fort par ici
Et que je le tire fort par là,
C’est sûr il tombera, tombera,
tombera
Et nous pourrons nous libérer.
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