dimanche 10 mai 2015

Je marchais dans les sables et décidais de te laisser

  "Le rève", de Pablo Neruda.


Je marchais dans les sables
et décidais de te laisser.

Une boue noire sous mes pieds
tremblait,
je m’enfonçais, je réchappais
en décidant que je devais
te rejeter, tu me blessais
comme un caillou tranchant,
pas à pas
je machinais ta perte :
arracher tes racines,
te livrer seule au vent.

Ah ! en cette minute
un rêve, mon amour,
de ses ailes terribles
te couvrait.

Tu sentais la boue te happer,
tu m’appelais, je ne bougeais,
tu disparaissais, immobile,
sans te défendre,
tu te noyais enfin dans la bouche de sable.

Et puis
ma décision et ton sommeil se sont rejoints
et de cette rupture
qui déchirait nos cœurs
nous avons resurgi, à nouveau propres, et nus,
nous nous sommes aimés
hors du rêve et du sable,
complets et radieux,
soudés par le feu.

Pablo Neruda, Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée, Poésie Gallimard

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire