dimanche 3 mai 2015

Je ne t’ai jamais trouvée aussi belle qu’à l'heure où tu désespères de toi

Louis Aragon, sans commentaire...

Les rendez-vous (VIII)

Ainsi je t’aurai toute la vie attendue
Présente absente ailleurs ici proche et lointaine
J e t’aurai mendié de silence je t’aurai
Mangé de paroles comme une orange
J’aurai perdu ta trace une fois nuit
Une fois jour perdu ta main prise dans l’ombre
Ta merveilleuse main d’enfant enfui
Ainsi je t’aurai toute la vie attendue
Il est trop tard pour espérer enfin t’atteindre
Je n’aurai pas trouvé les mots tout
N’aura semblé qu’un murmure un étouffement de cris
Je ne t’aurai donné que ce chant avorté de moi-même
Tu n’auras pas entendu ni personne
Entendu le battement en moi de ce grand oiseau rouge
Je n’aurai donc été vers toi qu’une phrase sans fin
Il est trop tard et cætera






Mais même si mais même alors même comme
Un chien qui cherche en vain son maître et traîne
Une chaîne arrachée
Même sans espérance
J’arrive au bout de ce voyage au moins
Portant toujours semblable coeur sanglot semblable
J’écoute en arrière de moi sur la route
Ce bruit de toi blessé ce bruit bleu ce bruit blanc
Ce bruit bluté de blé ce bruit redoublé
De toi par où nous fûmes
Et je te tends encore une fois mes bras de fumée

Louis Aragon - extrait de "Rendez-vous", in Les Adieux, éd. Stock, 1997 - p. 43, 50
Audio : Choeur Accord, La Chapelle sur Erdre (44), dit. B. Quemener
Arrangements et accompagnement piano : Roland Boutilliers
Clarinette : Sophie Dehays
Accordéon : Jean-Alain Manoeuvrier
Récitant : FD
Extrait du spectacle "J'ai rêvé d'un pays…" donné le 20 mai 2000 à Capellia (La Chapelle sur Erdre)

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