Ce n'est pas pour rien si René Char (1907-1988) est présent chaque semaine en exergue de ce blog. Voici un de se poèmes, tiré des Matinaux. Ce recueil a été initialement publié en 1950.
QU'IL VIVE!
Ce pays n'est qu'un vœu de l'esprit, un contre-sépulcre.
Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains.
La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu'importe à l'attentif.
Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.
Il n'y a pas d'ombre maligne sur la barque chavirée.
Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.
On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.
Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n'avoir pas de fruits.
On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.
Dans mon pays, on remercie.
(René Char,
Les Matinaux suivi de La Parole en archipel, Poésie Gallimard, 1969, p. 41-42)
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